SACHA...

... entre les mains de Dieu.

 

(Récit à travers les yeux d'une maman... et quelques compléments du papa.)

 

Une fin de journée pique nique entre amis de l'église, jour de pentecôte, jour du Saint Esprit.fleurs_Sacha_mai_2012

Bonne ambiance, repas fraternel, discussions, partages, confidences, rires, jeux, chants de louange à Dieu, sieste pour les plus petits.

Puis c'est l'heure du gouter, les grands enfants reviennent enchantés de leur parties de cache-cache, les joueurs de pétanques remontent du chemin. Chacun se restaure. Les papoteries vont bon train...

Je regarde où sont les enfants : Sacha joue avec la moto devant le cabanon : Ok ; Ivanoé se gave de gâteaux: humm ok ; Anatole est dans sa poussette entouré de mains attentionnées : Ok !

Je commence à rassembler nos affaires dans un coin, dis à Etienne qu'il va falloir qu'on y aille car demain, il y a école et Ivanoé a eu une bonne journée. Puis nous faisons les dernières discussions avec les uns et les autres pour finir de partager avec ceux avec qui nous n'avions pas eu trop l'occasion de parler. Combien de minutes s'écoulent...Sacha n'est plus en visu...

je vais devant le cabanon, ne le vois pas, vais voir parmi les autres enfants qui jouent sous les arbres, non, demande à Nathalie ou est Noah, elle se met à chercher et met en alerte Joël puis les autres ; vais jusqu'à la cabane en bois voir s'ils n'y sont pas cachés...non, retourne devant les voitures : rien, commence à descendre puis courir sur le chemin qui descend vers la route, courir de plus en plus vite. Je ne vois toujours pas Sacha : non, ce n'est pas possible qu'il soit allé si loin...je continue quand même pour en être sûre ; J'aperçois Joël en bas, je ne savais pas qu'il m'avait précédé, je le vois tirer Noah par le bras et l'éloigner de la berge du canal, il s'approche de la voiture de Jean-Marie et Martine qui partaient, leur confie Noah et continue les recherches...je ne vois toujours pas Sacha...Joël pousse un cri, je comprends que c'est de mon petit dont il s'agit...je cours, arrive à la berge et aperçois une forme dans l'eau : « mon Dieu, non : c'est mon fils ! » Son corps dérive, inanimé la tête dans l'eau. Joël saute dans l'eau et l'attrape, il crie au secours, demande de l'aide car il sait qu'il ne peut pas remonter les pentes de béton du canal. Je scrute le béton dans l'espoir d'y voir une échelle : rien. J'appelle de toutes mes forces Etienne en espérant qu'il m'entende depuis le terrain et saute à mon tour dans l'eau dans l'idée d'aider Joël à maintenir Sacha. Joël le maintien sur lui en essayant de se tenir stable sur la pente de béton. Sacha ne semble pas respirer, ses yeux sont renversés et cernés de bleu, sa bouche est entrouverte, je cris au ciel : « Non, Seigneur, ne me le prends pas, je t'en supplie Seigneur : ne prends pas mon fils » Joël me dit de lui faire un massage cardiaque...je n'en ai jamais fait : J'appuie sur ses cotes et souffle dans sa bouche en lui bouchant le nez...je n'ai aucune idée s'il est en vie. Ruben est sur la berge, je lui crie d'aller chercher de l'aide et une corde. Un flash passe dans ma tête : non, Sacha ne va pas mourir, il n'est pas mort ! Est-ce une conviction, ou le fruit d'une auto persuasion ? Je m'accroche à cette idée et continue les gestes comme je peux malgré l'instabilité de notre position. Etienne arrive, nous voit et comprend la situation, il saute à son tour dans l'eau, lui aussi crie à Dieu. Il essaye de trouver le moyen de remonter Sacha sur la berge, mais en vain. Avant ou après, je ne sais plus, une dame sur l'autre berge d'en face nous crie ce qu'il faut faire. C'est elle qui appellera les pompiers. (C'est aussi elle qui avant notre arrivée avait crié à Noah de reculer du bord et avait appelé la police ne voyant pas d'adulte auprès de lui) Les autres arrivent, une quatrième personne vient dans l'eau (plus tard je saurais que c'est Bruno). Tout le monde cherche un moyen pour remonter Sacha. Nous finissons par y parvenir en le brandissant le plus haut possible et Jean-Paul l'attrape ; Nathalie est en haut. Elle s'assied dans les ronces, pose l'enfant sur ses jambes et lui fait le massage cardiaque avec Octave qui lui fait le bouche à bouche. Elle encourage les actions : un deux trois on souffle, un deux trois on souffle, .... Grace à l'écharpe d'Octave et les bras des autres, nous arrivons tous à remonter. Etienne prend le relai pour le bouche à bouche. Je ne sais toujours pas si Sacha est vivant. Je prie : « Seigneur, ne me le prends pas, je ne le supporterai pas, tu as dit que tu ne nous tenteras pas au-delà de nos forces Seigneur, tu sais que je suis à toi, ne me le prends pas ! Tu en es capable : tu as déjà ressuscité des morts, Seigneur : je t'en supplie : sauve-le ! Tu peux le faire, je t'en supplie ! » Par deux fois Sacha semblent faire l'action d'expiration avec un son rauque. Il a été soulevé entre deux séries de massage la tête vers le bas pour faire éventuellement cracher de l'eau. Quelque chose sort de sa bouche mais sans grande abondance. Nathalie a la conviction qu'il faut se concentrer sur le massage Nathalie dit qu'elle a un pouls de 60, ils continuent le massage... les pompiers arrivent, entre temps les hommes avaient dégagés le passage des ronces pour rendre l'accès plus facile. Je me pousse, les pompiers emmènent Sacha dans le camion et ferment les portes. Parfois ils sortent pour nous demander des renseignements... c'est long, très long, trop long, mais qu'est ce qu'ils font. Enfin ils nous disent que Sacha respire de lui-même mais très faiblement, son cœur bas, la température corporelle est de 33°C, Sacha est enveloppé dans une couverture de survie, avec de l'oxygène,... on attend le SAMU de LUNEL ; Ils arrivent et s'engouffrent dans le camion. Encore l'attente...je tremble et je prie, je prie et je tremble. On me couvre d'une couverture. J'aperçois des visages autour de moi, des visages de gens que je connais, des visages crispés, des visages dévastés par l'inquiétude, des visages en pleurs. Je regarde mon mari, je regarde Nathalie et les portes de ce camion qui ne veulent pas s'ouvrir ; je prie toujours...c'est long, c'est trop long ! Enfin, l'urgentiste du SAMU s'approche et nous fait à peu près le même bilan que les pompiers. Sacha est sous sédation pour minimiser les réactions liées à la souffrance cérébrale et aussi pour ne pas qu'il souffre physiquement. Nous dit que Sacha va être transporté en hélico sur Montpellier car il y a un service de réanimation pédiatrique. L'hélicoptère arrive et se pose dans les vignes. Autour de nous la solidarité, poussé par un élan d'amour fraternel très fort, s'organise pour nous soutenir, nous véhiculer et garder Ivanoé et Anatole (qui sont restés là haut avec les femmes dont Anne et Paulette, ce qui permit de les préserver de toute l'agitation d'en bas).

Avant que le camion de pompier rejoigne l'hélicoptère, on nous permet jute un instant de voir Sacha : nous embrassons son petit corps sans réaction et lui murmurons des mots tendres. Le camion va se garer devant l'hélicoptère ; là encore le temps s'écoule en grains de sable pour le transfert d'un véhicule à l'autre, que font-ils ? Que se passe-t –il ?

Quelqu'un (Suzie ?) suggère que nous prions : Etienne commence...puis d'autres voix s'élèvent à Jésus. A mon tour, je prie à haute voix : « Seigneur: c'est toi qui nous a créé, qui nous donne la vie, tu es le Dieu tout puissant qui peut tout, tu ressuscites même les morts, je t'en prie Seigneur, ne prends pas mon fils, sauve le ! ».

Sacha est maintenant dans l'hélicoptère, il décolle et je pleure de voir mon fils partir loin de moi.

Nous rentrons vite à la maison nous laver de cette eau sale et mettre des vêtements secs. J'attrape ma bible, une bouteille d'eau et des vêtements propres pour Sacha : c'est idiot car de toute façon, il ne sortira pas ce soir, mais ça m'aide à me projeter dans l'avenir.

Sur la route, nous téléphonons aux parents et à la sœur d'Etienne pour leur demander de prier pour Sacha. Nous ne le savons pas encore mais une énorme chaine de prières va se construire dans notre église de Vauvert mais également à travers les églises de nos familles et amis : Codognan, Nîmes, Alès, Saint Maximin, Brignoles, Draguignan, Grâce, Nice, Antibes, Mulhouse, Nouvelle Calédonie, Brésil...

Arrivés au CHU, nous trouvons le service de réanimation en suivant le labyrinthe des couloirs. On nous demande d'attendre car ils sont en train de finir les soins pour Sacha...attendre encore...c'est long, très long...nous prions chacun de notre côté, puis ensemble, soudés par l'amour de notre couple, par l'amour que nous portons à notre enfant, par la foi que nous avons en Jésus : oui, nous croyons en toi Seigneur ! Nous re-sonnons à la porte, ils nous font enfin entrer. Une infirmière très douce nous explique le protocole pour se laver les mains et ranger ses affaires, puis nous le voyons enfin : petit corps allongé dans un grand lit branché de partout, perfusé, intubé, sous oxygène, une machine l'aide à respirer. Des chiffres et des courbes partout sur les écrans. L'infirmière prévenante, nous fait le topo sur ce qu'ils lui ont fait comme soins et branchements. Elle tente de nous donner de l'espoir par rapport aux signes positifs qu'elle perçoit en insistant bien que ce ne sont que des signes plutôt encourageant et qu'elle n'est pas médecin. Il est endormi artificiellement. Nous nous approchons de Sacha, le touchons, le caressons, puis lui parlons en voulant le rassurer. Etienne lui chante des chansons et lui raconte des histoires de la ferme des pommiers, un de ses livres préférés : Sacha semble réagir, ses membres ont des sursauts, ses jambes se replient. Apparemment, il nous entend.

Les infirmières lui ont mis un ventilateur et des pains de glaçon autour et sur lui pour le refroidir d'avantage et faire tomber la fièvre.

Nous restons auprès de lui en le regardant, le touchant, en chantonnant pour marquer notre présence, en priant et en pleurant en silence.

La médecin de garde nous invite dans une autre pièce pour nous parler du cas de Sacha. Le fait de s'enfermer dans une pièce devient pesant...mais qu'est ce qu'elle va nous annoncer ?! Je retiens de la conversation qu'il faut encore attendre, attendre pour connaître l'évolution de son état, connaître ce que l'arrêt du cœur et donc le manque d'oxygénation du cerveau va entrainer comme séquelles ! Il ne faut pas se faire de faux espoirs nous dit elle en substance, ...dans l'état de Sacha des séquelles semblent inévitables. Sacha doit rester sous sédation pour aider son corps dans le travail d'évacuation de l'eau des poumons par diffusion et aussi minimiser les résultats de la souffrance cérébrale qui se caractérise par le « gonflement des cellules par sécrétion de liquide » (enfin c'est ce que j'en retiens)

Elle s'adresse à nous aussi en tant que parents : il ne faut pas culpabiliser...ne pas culpabiliser...pas si simple !!! Plusieurs cas arrivent chaque année dans son service. Cas plus ou moins graves.

Après encore un bon moment auprès de Sacha, (il semblait ne plus trop nous entendre, comme « endormi » dans son coma) nous décidons de rentrer à la maison.

Anne est là, c'est elle qui s'est occupée d'Ivanoé et Anatole : elle connaît leurs habitudes : c'est mieux pour eux. Elle accourt et me sert fort dans ses bras et file dans la nuit.

Nous faisons un tour dans la chambre des enfants, les embrassons chacun leur tour. Je ne peux m'empêcher de mettre la main sur leur corps afin de sentir leur cœur battre. Un œil sur le lit de Sacha : il est vide...mon cœur est vide : « Oh Seigneur ramène mon fils à la maison pour qu'il puisse jouer encore avec ses frères ».

Nous prenons un dernier temps de prière avant de nous coucher, nous nous agenouillons pour implorer Jésus «  oh oui Jésus, toi le Dieu d'amour écoute nos prières : sauve Sacha...  ».

J'installe le téléphone fixe sur mon chevet mais espère qu'il ne sonnera pas. Maintenant il faut dormir...dormir, mais fermer les yeux est un supplice car les images me reviennent, alors je veux regarder à Jésus, je lève les yeux au ciel et m'endors. A chaque fois que je me réveille dans la nuit, les chants de cet après midi me reviennent en tête, cela me réchauffe et m'aide à chasser ces images dramatiques. Je passe également une nuit extrêmement agité me réveillant souvent, angoissé et cherchant le réconfort dans la prière, lui avouant mon impuissance dans la situation. Je garde néanmoins au fond de moi l'espérance que Dieu est en train d'intervenir.

Le petit matin arrive, le réveil sonne, mais pas de petite voix qui dit « Maman, je suis réveillé ! » fier d'être descendu de son lit tout seul et voulant à tout prix grimper sur le notre...non, tout est calme, les deux frères dorment encore dans la pièce d'à côté.

Nous téléphonons à l'hôpital, mes mains tremblent, mais non, ça va Sacha est stable, la fièvre a été forte dans la nuit mais a bien baissée maintenant, il est toujours endormi artificiellement.

 

Etienne part pour le rejoindre, moi je reste pour m'occuper des enfants en attendant l'arrivée de Marie France, la maman d'Etienne. Joël m'apporte les sièges auto qui étaient restés chez Jean-Paul et Suzie. Sa compagnie m'aide à rester calme devant Ivanoé, et à refreiner les élans de chagrin dès que je voyais quelque chose appartenant à Sacha.

Il faut accompagner Ivanoé à l'école. Les lunettes de soleil cachent mes yeux bouffis. Sur la route Ivanoé me dit « maman, et bah moi, ce matin, j'ai des choses à dire à la maitresse : Je vais dire que Sacha est tombé dans l'eau, qu'il est à l'hôpital parce que il est très malade à cause de l'eau et qu'il faut beaucoup, beaucoup, le soigner et aussi qu'il faut penser à Jésus ! » oui, il faut penser à Jésus, tu as raison mon chéri !

La maitresse comprend à mon attitude que quelque chose ne va pas, les larmes coulent et je lui explique : prenez soin de mon Ivanoé s'il vous plait !

Je retourne à la maison avec Anatole : petit vers de bancoul plein de vie...Aménager la chambre pour la venue de Mamie donne un objectif à mon esprit. Je lis les premiers mails de sollicitudes et d'encouragements.

Ps.91:14-15 :

« Puisqu'il m'aime, je le délivrerai ; Je le protègerai, puisqu'il connaît mon nom. Il m'invoquera, et je lui répondrai ; je serai avec lui dans la détresse, je le délivrerai et je le glorifierai. »

Psaume 34: 18-20
"Lorsque les hommes justes lancent leurs cris vers Lui, l'Eternel les entend; aussi, Il les arrache à toutes leurs détresses.
Car l'Eternel est proche de ceux qui ont le cœur brisé. Il sauve ceux qui ont un esprit abattu. Le juste doit passer par beaucoup de souffrance, mais l'Eternel l'en délivre toujours."

 Psaume 62 : 6-9

Oui, mon âme, confie toi en Dieu ! Car de lui vient mon espérance. Oui, c'est lui qui est mon rocher et mon salut ;

Ma haute retraite : je ne chancellerai pas. Sur Dieu reposent mon salut et ma gloire ;

Le rocher de ma force, mon refuge, sont en Dieu.

En tout temps, peuples, confiez vous en lui, répandez vos cœurs en sa présence ! Dieu est notre refuge.

 

Etienne me téléphone pour me dire que le médecin de jour a fait les tests neurologiques, et de réflexe. (en tapant avec les instruments de médecin au niveau des jambes, puis en faisant une échographie du cerveau) Tout semble normal, il pense provoquer un premier réveil en fin de matinée afin de voir son comportement. S'il n'est pas satisfaisant, (c'est-à-dire, s'il ne reconnaît pas son Papa et a des signes de douleur) ils le rendormiront pour réessayer plus tard. Je pleure de ne pas pouvoir être là lorsqu'ils le feront et me rassure en me disant qu'il y a au moins son papa.

Je garde le téléphone toujours à proximité et me concentre sur les taches à faire...Anatole joue sur le tapis de la chambre.

Peut être un quart d'heure plus tard, Etienne me retéléphone en disant que Sacha s'est réveillé spontanément, qu'il l'avait reconnu et voulait venir dans ses bras...je m'effondre en pleurs de soulagement et de joie : « Oh mon Dieu MERCI, MERCI !!! »

Mais comme Sacha commençait à vouloir se débattre et arracher les tuyaux d'intubation dans la bouche, la sonde gastrique dans le nez et les fils de monitoring, ils lui ont remis le sédatif pour le calmer et le rendormir. Il est prévu que Sacha soit réveillé à nouveau et définitivement dans quelques moments pour les soins notamment du kiné et tester l'enlèvement des sondes et autres tuyaux.

Je téléphone chez Jean-Paul, annonce la nouvelle et entends des sanglots et des pleurs mais de joie et de soulagement. Je fais de même chez Priscille, la sœur d'Etienne, qui me demande vers quelle heure cela est arrivé. Cela correspondait à la réunion de prière dans son église. Je réalise que c'était aussi le cas pour les frères et sœurs de mon église. « Oh merci Seigneur ! Mais je t'en conjure, ne permet qu'il n'ait pas de séquelles ! ».

Plus tard une infirmière me téléphone de la part d'Etienne pour me dire que Sacha s'est à nouveau réveillé et qu'il est dans les bras de son père ! (plus tard dans la journée, j'apprendrais qu'on lui a fait une séance de massage kiné pour évacuer l'eau dans ses poumons : ça ne lui a pas du tout plus. Ses yeux pleuraient sans cris à cause de l'intubation. On pouvait lire la souffrance sur son visage. L'infirmière m'indiqua que c'était très douloureux mais nécessaire et que par ailleurs, il n'en garderait aucun souvenir à cause de son état de demi-conscience du à la sédation). Après son réveil définitif, Sacha cherche par tous les moyens à enlever ses intubations et autres sondes, ... La sonde est trop longue à être enlevée à son goût. Il se débat et cherche à l'arracher. Une fois enlevée, il pousse un petit cri enroué comme à sa naissance. Il est très très grognon, cherchant le contact puis repoussant. Il a de petites hallucinations dues à la sédation. Doucement, il cherche à nouveau le contact avec son Papa qui chantonne doucement des chansons de reconnaissance à Dieu pour le calmer et l'endormir.

Marie France arrive, je vais chercher Ivanoé à l'école, tiens informé tout le monde et retourne à la maison m'occuper d'Ivanoé.

Vers 14h30, Joël m'emmène à Montpellier, trop de fatigue, trop d'angoisse pour pouvoir conduire. Dans la voiture, nous confrontons notre vécu de la veille, c'est la première fois que j'en parle vraiment. Je sais que j'aurais besoin d'en parler aussi avec Etienne (les circonstances ne s'y prêtaient pas encore) et Nathalie et tous ceux qui nous entouraient ce jour là.

Je laisse Joël dans le couloir de l'hôpital et me dirige vers le lit de Sacha (qui venait de s'endormir), mon petit dort sur le ventre dans son lit, son papa est auprès de lui. J'effleure son visage avec ma main pour ne pas le réveiller : il a besoin de sommeil. Etienne va chercher Joël et lui laisse sa place car pas plus de deux personnes ne sont autorisées à la fois. Je vois que la vue de Sacha dormant paisiblement sans tuyaux sur le visage lui fait du bien. Il repart.

Nous restons avec lui toute l'après midi, lui chantonnant des chansons pour le bercer et le calmer de la présence des fils encore branchés qui l'énervent. Notamment la perfusion qu'il trouve le moyen de débrancher de son bras à force de gigoter : il a gagné : on lui enlève, petit monsieur prendra ses antibiotiques par la bouche ! Mon bébé a soif puis a faim, il veut du lait ! Plus tard, il a encore faim, l'infirmière lui déniche un plateau repas en expliquant que c'est difficile de trouver ce genre de chose pour les patients du service car d'habitude : ils ne mangent pas ! Sacha se rue sur le morceau de pain et la compote. L'infirmière le regarde en nous disant qu'il revient de loin ! Sur une application de mon téléphone où l'on peut voir et entendre des animaux, Sacha reconnaît la vache puis imite son cri : meuh ! Puis reconnaît le chien et le chat, ....

Je reste passer la nuit avec lui pendant qu'Etienne rejoint la maison. Je m'allonge à côté de lui, en gardant ma main sur lui et commence à trouver le repos ; mon cœur n'est plus vide.

Lui aussi me cherche tout le temps avec sa petite main, il se colle à moi et empoignent ses doudous que je lui ai apporté. Il reste éveillé entre 3h et 4h30 du matin, là encore je le berce, lui chantonne des chansons pour l'endormir. Quand je reprends mon souffle, il me réclame « maman, chante Alléluia » Je ne sais pas bien de quelle chanson il veut parler, mais je lui invente un air tout en en profitant pour remercier le Seigneur.

C'est le matin, nous sommes mercredi et mon fils a la bougeotte. Il a faim, et se débat encore avec les fils qu'il lui reste (cardio et capteur pour l'oxygène). J'ai de plus en plus de mal à le contenir : il veut descendre du lit, arrive à casser je ne sais comment l'ampoule rouge du capteur fixé à son pied. J'aperçois les têtes du staff qui se relèvent depuis la table de réunion en face pour voir Sacha debout dans le lit ou poussant des cris de colère de ne pouvoir faire ce qu'il veut. J'ai vraiment l'impression d'avoir un lion en cage !

Le médecin de jour, le même que la veille, arrive avec toute son équipe d'étudiants, mais pour ne pas impressionner Sacha, il leur demande de rester à la porte. Sacha est en train de jouer avec un hélicoptère qu'on lui a prêté. Le docteur me dit qu'il n'a pas besoin de refaire des tests neurologiques car Sacha accomplit tout ce qu'il aurait pu lui demander en manipulant le jouet ; qu'il veut revenir nous parler après sa tournée afin de nous rassurer pleinement sur les séquelles éventuelles dont on nous avait parlé, et aussi nous parler de notre propre état à Etienne et moi.

Etienne arrive avec Ivanoé dans la matinée. Sacha s'est endormi. Je peux aller me restaurer un peu. Puis à son réveil, ce sont les retrouvailles entre frères. Sacha joue avec l'application i phone, il reconnaît toujours bien les animaux qu'il affectionne (le lion, le crocodile, ...)

De retour, le docteur nous invite à aller dans une salle sans les enfants ; son diagnostic : pour lui, c'est clair : à la vue de son si rapide rétablissement, Sacha n'a pas eu d'arrêt cardiaque. C'était aussi une énorme (je cite) « connerie » de nous dire qu'il pourrait y en avoir ! Sacha sera gardé en observation dans un autre service pour être certain qu'il ne va pas développer une infection suite à l'eau qu'il a eu dans les poumons. Plus besoin d'antibiotique !

Nous lui disons que nous sommes chrétiens et que pour nous c'est un miracle. Le docteur nous répond que ce n'en ai pas un  car il ne croit pas qu'il y ait eu arrêt cardiaque, contrairement aux constations réalisées sur le lieu de l'accident.

 

Sacha est transféré dans le service des maladies infectieuses pour sa troisième nuit au centre hospitalier. Mamie et Anatole passe nous voir et nous laisse une voiture pour rentrer.

Nous devons partager la chambre double avec un autre bébé atteint d'une pneumopathie et sa maman (!!!), alors que Sacha n'est qu'en observation et qu'il va bien.

Cette nuit est éprouvante de bruits et d'agitations. Le lendemain, nous obtenons enfin nos papiers de sortie en milieu d'après midi.

Nous rentrons à la maison pour 17h, après avoir fait une visite au bureau de papa puis être allés chercher Ivanoé à l'école.

 

Aujourd'hui (en 2012) Sacha a quatre ans, il respire la vie dans tous ses paroles et gestes.

Merci Seigneur !